je connus déjà les désastres d’Ilion, je connus vos exploits et les chefs de la Grèce. Bien qu’ennemi de Troie, Teucer exaltait lui-même la valeur des Troyens, et se disait issu de vos antiques monarques. Venez donc, ô guerriers ; nos demeures vous attendent. Comme vous, j’ai long-temps subi les rigueurs de la fortune ; et c’est après mille traverses qu’elle me fixe enfin sur ces bords. Venez ; mes malheurs m’ont appris à secourir les malheureux. »
À ces mots, elle conduit Énée dans son palais ; et l’encens fume par ses ordres dans les temples des dieux. Elle parle ; et les Troyens restés sur les navires ont reçu vingt taureaux choisis, cent porcs aux larges flancs hérissés de soies, cent agneaux gras et leurs bêlantes mères : Bacchus y joint sa liqueur, doux charme de nos chagrins. En même temps l’intérieur du palais voit déployer, pour l’embellir, tout le luxe des rois ; et l’appareil des festins se dispose sous des lambris magnifiques. Partout de fastueux tapis étalent et leur pourpre superbe et leur travail inimitable. L’argent resplendit de toutes parts sur les tables pompeuses ; de toutes parts y reluit un or pur, où l’art industrieux a gravé l’éclatante histoire des aïeux de Didon : chaîne immense d’événemens célèbres, dont le premier anneau se rattache à l’antique berceau de Sidon.
Mais Énée brûle de revoir un fils cher à son amour. Il charge Achate de voler à la flotte, d’apprendre au jeune Ascagne ces heureuses nouvelles, de l’amener lui-même : Ascagne est l’unique espoir du plus tendre des pères. Énée recommande encore qu’on choisisse pour Didon les trésors échappés aux ruines de Troie :