À ces mots, elle épand sur la table les prémices de la douce liqueur. La première, après cette offrande, elle effleure des lèvres la coupe écumante, la donne ensuite à Bitias, et le provoque en souriant aux exploits des buveurs : il la prend, la vide d’un trait, et s’inonde à longs flots du nectar vermeil. Puis de nouveau rempli, le vase d’or circule parmi les convives. En même temps Iopas, à la belle chevelure, fait résonner sur sa lyre d’or les airs sublimes du grand Atlas. Il chante le cours inconstant de la Lune, et la route enflammée que décrit le Soleil ; quel pouvoir a formé l’homme et tout ce qui respire ; quelle cause allume sur nos têtes la foudre et les orages. Il chante l’humide Arcture, et les Hyades pluvieuses, et le char glacé des deux Ourses ; pourquoi le jour, durant l’hiver, court se plonger si tôt dans l’Océan ; pourquoi la nuit, durant l’été, nous rend si tard ses ombres paresseuses. Il chante ; les Tyriens éclatent en applaudissemens redoublés, et les Troyens y répondent.
Cependant l’infortunée Didon prolongeait sans fin dans la nuit des entretiens trop chers, et s’enivrait lentement du poison de l’amour. Sans cesse elle s’épuise en questions sur Priam, en questions sur Hector : sans cesse il faut lui peindre ou l’armure du fils de l’Aurore, ou les coursiers de Diomède, ou les exploits d’Achille. « Mais plutôt, dit-elle, apprenez-nous, généreux étranger, l’histoire de vos malheurs depuis leur origine : racontez-nous et les pièges des Grecs, et l’heure fatale d’Ilion, et vos longues aventures ; car déjà le septième été vous voit errant sur des plages lointaines et des mers inconnues. »