Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/15

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voit mille fantômes voltiger autour de lui sous mille formes étranges ; des voix inconnues résonnent à son oreille ; il jouit de l’entretien des dieux, interroge l’Averne, et converse avec l’Achéron. C’est aussi là qu’en ce moment, Latinus lui-même, consultant le sort, immolait cent brebis intactes, et reposait couché sur leurs toisons fumantes. Tout à coup, du fond des bois sacrés, sort une voix fatidique : « Garde-toi d’associer ta fille au lit d’un époux Latin, ô mon fils ! Redoute l’hyménée dont les flambeaux s’apprêtent. Des gendres étrangers arrivent, dont le sang portera jusqu’aux astres la gloire de notre nom. Un jour, leurs fiers descendans verront, des rives où le Soleil se lève jusqu’aux mers où finit sa course, tout fléchir, tout trembler sous leurs lois triomphantes. » Ces conseils d’un dieu, ces avertissemens du ciel, donnés dans le silence des ombres, Latinus ne les couvre point des voiles du mystère ; et déjà la Renommée, au vol infatigable, les avait au loin publiés dans toutes les villes de l’Ausonie, lorsque les enfans de Laomédon attachèrent leurs navires aux bords verdoyans du Tibre.

Le fils d’Anchise et l’aimable Iule, entourés des chefs de la flotte, vont s’asseoir sous le feuillage d’un chêne majestueux. Un repas frugal s’y prépare : Jupiter même en inspire les apprêts. Étalés sur l’herbe fleurie, d’amples gâteaux servent de tables aux mets champêtres ; et les dons de Pomone s’amoncellent sur les plateaux légers de Cérès. Bientôt la faim a dévoré les fruits ; elle en attaque à leur tour les frêles supports, pétris d’un pur froment : d’une