Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/153

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le grand Énée le prescrivit en s’éloignant. « Quels que soient, durant mon absence, les accidens de la fortune, que vos phalanges téméraires ne tentent point le sort des batailles, ne s’aventurent point dans la plaine. Retranchés dans vos camps, bravez, à l’abri de leurs forts, une impuissante attaque. » En vain donc l’honneur qui murmure leur montre ouvert le champ de la vengeance : leur audace, enchaînée par un ordre suprême, gronde oisive à l’ombre des portes ; et, cachés dans leurs tours, ils attendent sous les armes l’ennemi qui s’approche.

Turnus, précipitant sa course, a laissé derrière lui ses légions tardives. Suivi d’un rapide escadron, Turnus paraît à l’improviste, Turnus est au pied des murailles. Il monte un coursier Thrace, aux crins d’ébène, marqués d’albâtre ; et, sur son casque d’or, flotte un panache de pourpre. « Guerriers ! qui, le premier, défiera Troie ? qui lancera le premier trait ? Moi, » dit-il ; et brandissant un dard, sa main le fait siffler dans l’air, pour signal des combats ; puis, superbe, il s’élance dans l’arène. Sa bouillante escorte applaudit, et vole, annoncée par d’horribles clameurs. Le repos des Troyens l’étonne : « Les lâches ! n’oser descendre dans la lice ! n’oser opposer le glaive au glaive ! mais languir, mais trembler dans un camp ! » Furieux, et poussant son coursier, Turnus va, vient, cent fois tourne autour des clôtures, et cherche à pénétrer l’enceinte impénétrable. Tel, rôdant par une nuit orageuse près d’un nombreux bercail, un loup mord en frémissant les barreaux qui l’arrêtent ; et, battu des vents, de