Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

main hardie, d’une dent sans pitié, on sape à l’envi les contours de la croûte fatale, on en pille les larges quartiers. « Quoi ! s’écrie le jeune Iule, point de grâce pour nos tables mêmes ! » Il sourit, et se tait. Cette saillie d’un enfant marqua la fin de tant de maux. Énée l’accueille avec transport, et, frappé d’un trait de lumière, la médite en silence. Puis tout à coup : « Je te salue, ô terre que me réservaient les destins ! et vous, dieux protecteurs de Troie, je vous salue, ô Pénates sacrés ! C’est ici ma demeure, c’est ici ma patrie. Anchise, il m’en souvient, me révélait jadis ces secrets de l’avenir. » « Mon fils, me disait-il, quand un jour l’indomptable faim, sur des bords inconnus, t’aura forcé dans ta détresse à consumer tes tables, espère alors un asyle après tant de fatigues, et songe à bâtir en ces lieux de nouveaux toits et des remparts nouveaux. » « Oui, la voilà cette faim merveilleuse, la voilà cette dernière épreuve, terme promis à nos misères. Courage donc, généreuse élite ! demain, aux premiers rayons de l’aurore, visitons à loisir ces régions fortunées ; sachons quels peuples les habitent, quelles cités elles renferment, et sur leurs points divers, explorons au loin ces rivages. Ce soir, offrez à Jupiter les libations accoutumées ; qu’Anchise imploré nous réponde, et qu’un vin choisi coule encore pour nos heureux banquets ! »

Il dit ; et ceignant sa tête d’une branche de verdure, il adore le Génie de ces rives, et la Terre, antique aïeule des dieux, et les Nymphes de ces bois, et ces Fleuves, aux ondes étrangères ; il invoque la