Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/179

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l’art des augures ; mais son art inutile ne put le soustraire au trépas. Près de leur maître, trois serviteurs fidèles dormaient sans défiance à côté de leurs armes : tous trois sont immolés. Nisus frappe d’abord et l’écuyer de Rémus, et le conducteur de son char, qu’il surprend étendu sous ses propres coursiers : sa tête, penchée sur ses chevaux, tombe abattue sous le tranchant du glaive. Bientôt celle de Rémus lui-même roule à son tour dans la poussière ; et, du tronc mutilé, le sang jaillit à gros bouillons : ses flots noirs et fumans arrosent au loin la terre et le lit du guerrier. Là subissent le même sort et Lamus, et Lamyre, et l’aimable Serranus ; Serranus, dont on vantait la jeunesse et les grâces. Hélas ! cette nuit presque entière s’était écoulée pour lui dans les jeux : mais vaincu par un dieu plus fort, l’infortuné venait de succomber au sommeil : heureux, s’il avait pu donner encore aux plaisirs les derniers instans de la nuit, et prolonger sa veille jusqu’au retour de la lumière ! Tel un lion à jeun porte au sein d’un nombreux bercail le carnage et la mort : irritée par une faim cruelle, sa rage déchire, dévore les tendres agneaux, que la crainte a rendus muets : il rugit, et le sang ruisselle de sa bouche écumante.

Euryale ne fait pas un moindre carnage : ardent et l’œil en feu, il s’abandonne à sa fureur, et moissonne au hasard mille guerriers sans nom : Herbésus, Abaris, et Fadus et Rhœtus, meurent frappés en dormant. Seul, Rhœtus veillait ; muet témoin de ces massacres, il se cachait d’effroi derrière un large cratère : au moment qu’il se lève, Euryale lui plonge son épée toute entière dans le sein, et l’en arrache avec la vie.