Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/187

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Il dit ; et rassemblant toutes ses forces, il lance le fer meurtrier. Le trait fend dans son vol les ombres de la nuit, s’enfonce dans le dos du malheureux Sulmon, s’y brise, et le tronçon fumant lui traverse le cœur. Sulmon chancelle, il tombe : des flots de sang s’échappent à gros bouillons de sa large blessure ; un froid mortel le saisit, et de longs battemens font palpiter ses flancs. On se tourne, on regarde. Mais déjà plus ardent, Nisus, le bras élevé, balançait un nouveau dard. Pendant que la troupe s'agite, la pointe cruelle vient frapper Tagus en sifflant, lui déchire les tempes, et s’arrête sanglante au milieu du cerveau.

Volscens frémit de colère ; il ne voit ni la main d’où sont partis ces coups, ni sur quelle victime doit tomber sa fureur. « Eh bien, ton sang impie me paiera ces deux morts, » dit-il ; et soudain, l’épée nue, il fond sur Euryale. Alors pâle, éperdu, Nisus pousse un cri d’effroi : il s’arrache aux ténèbres dont il s’environnait, il s’élance ; et, vaincu par sa douleur affreuse : « C’est moi, moi ; me voici, j’ai tout fait : tournez ce fer contre moi seul, ô Rutules ; je suis le seul coupable : cet enfant n’osa rien, cet enfant n’a rien pu ; j’en atteste le ciel et ces astres, ces astres qui le savent : tout son crime, hélas ! est d’avoir trop aimé son malheureux ami. » Ainsi parlait Nisus ; mais déjà, poussé par la rage, le glaive impitoyable a percé les flancs d’Euryale, et déchiré son sein d’albâtre. Euryale tombe, frappé du coup mortel ; un sang vermeil rougit son corps charmant, et sa belle tête retombe défaillante sur ses épaules. Telle une fleur brillante, si le soc en