Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reçoivent dans leurs bras cette mère éplorée, et la portent mourante sous son toit solitaire.

Mais l’airain bruyant des trompettes a fait entendre au loin ses accens formidables : de longues clameurs lui répondent, et le ciel retentit d’affreux mugissemens. Tout à coup les Rutules s’avancent, retranchés sous le toit de la tortue guerrière, et s’apprêtent à combler les fossés, à rompre les palissades : ils épient les abords faciles, et, l’échelle à la main, cherchent à gravir les remparts aux lieux où les rangs sont plus faibles, où s’éclaircissent, moins serrées, les files des combattans. Les Troyens, à leur tour, tantôt lancent sur l’ennemi des traits de toute espèce, tantôt opposent à ses approches une forêt de pieux aigus ; dix ans de guerre leur ont appris à soutenir un siège. Parfois roulant des blocs d’un poids énorme, ils s’efforçaient d’enfoncer ces phalanges abritées d’une voûte épaisse : et cependant, inébranlables sous le mur d’airain qui les couvre, elles résistent à tous les chocs. Il faut pourtant qu’elles succombent. À l’endroit où s’acharne un essaim plus pressé, les Troyens roulent en haletant un roc épouvantable : poussé avec violence, il tombe, écrase au loin des milliers de Rutules, et disperse en éclat les toits rompus des boucliers unis. L’audacieux assaillant abandonne alors ces abris infidèles, et, pour nettoyer les retranchemens, y fait pleuvoir une grêle de dards. Plus loin, l’affreux Mézence secoue dans les airs une torche enflammée, et menace les murs de ses brandons fumans. Ailleurs Messape, ce dompteur de coursiers, cet enfant de