Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/233

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incendiaire dans les domaines de l’Italie, appesantir leur joug sur des champs étrangers, et s’applaudir d’un injuste butin ? Ils pourront, sans crime, s’offrir, en menaçant, pour gendres, ravir des bras maternels les épouses promises, et, l’olive à la main, sollicitant la paix, arborer la guerre sur leurs vaisseaux armés ? Vous avez pu vous-même soustraire Énée aux mains des Grecs, et mettre à la place d’un guerrier un vain nuage, une ombre vaine ; vous avez pu changer ses nefs vagabondes en nymphes de la mer : et moi, pour avoir prêté contre lui de légers secours aux Rutules, j’ai commis un noir attentat ? Énée l’ignore, il est absent ! Eh bien, qu’il soit absent, qu’il l’ignore. Vous avez Paphos et les ombrages d’ldalie ; vous avez les bois de Cythère : pourquoi provoquez-vous une ville féconde en guerriers, et des cœurs indomptables ? Moi, j’ai juré d’anéantir jusqu’aux frêles débris de Pergame ? moi ? N’est-ce donc pas plutôt quiconque livra les malheureux Troyens à la vengeance des Grecs ? Quelle cause a fait courir aux armes et l’Europe et l’Asie ? Quel infâme a rompu le plus saint des traités ? Est-ce par mes ordres que l’adultère Pâris a violé la paix de Sparte ? Ai-je la première tiré le glaive ? M’a-t-on vue, complice d’un lâche amour, fomenter la discorde ? C’est alors qu’il fallait craindre pour vos chers Phrygiens : maintenant vous venez trop tard nous fatiguer de vos plaintes frivoles ; c’est vous épuiser en reproches superflus. »

Ainsi parlait Junon ; et les Immortels, partagés en