Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/267

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jeune âge, tous deux éclatans de beauté ; mais tous deux, hélas ! condamnés par le sort à ne plus revoir leur patrie. Du moins ils ne périront pas sous les coups l’un de l’autre ; ainsi l’a prononcé le souverain du vaste Olympe : bientôt leur chute doit illustrer deux vainqueurs plus fameux.

Cependant la nymphe, sœur de Turnus, court avertir son frère des périls de Lausus. Turnus l’entend ; et, sur son char qui vole, il fend les bataillons. Il arrive, il s’écrie : « Soldats ! laissez le champ libre à mes coups : seul je fonds sur Pallas, c’est à moi seul que cette victime est due. Ah ! que son père n’est-il lui-même spectateur du combat ! » Il parle ; et les guerriers dociles ont fait place à leur maître. Ce prompt respect des Rutules, cette voix altière du monarque, ont frappé de surprise le jeune fils d’Évandre : il contemple Turnus avec étonnement : il mesure des yeux sa taille gigantesque : puis, roulant sur toute sa personne un regard de courroux, il repousse en ces mots l’insulte d’un roi superbe : « Dans peu ma gloire sera digne d’envie : ou tes dépouilles orgueilleuses vont charger mon bras trîomphant, ou j’aurai succombé, mais par un glorieux trépas. Quel que soit le sort qui m’attende, mon père n’aura point à rougir : épargne-toi d’inutiles menaces. » Les Arcadiens frémissent ; l’effroi dans leurs veines a glacé tout leur sang. Déjà Turnus s’est élancé de son char : c’est à pied, c’est de près qu’il brûle d’en venir aux mains. Tel qu’un lion qui, des hauteurs où veille sa colère, a vu dans les prés lointains un fier taureau défier les combats ; le roi des