Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/275

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lance acérée : l’adroit Magus courbe le front, et la lance en fuyant a sifflé sur sa tête. Soudain il embrasse les genoux du héros, et l’implore d’une voix suppliante : « Par les mânes d’Anchise ! par les jeunes années d’Iule, votre douce espérance ! ah ! je vous en conjure, daignez me rendre aux vœux d’un fils et d’un père ! J’habite un palais superbe : j’y possède, enfouis sous ses voûtes profondes, de riches amas d’argent que l’art a façonnés ; de vastes monceaux d’or travaillé, d’or brut, remplissent mes trésors. Ce n’est point de mon trépas que dépend votre victoire : un guerrier de plus est-il d’un si grand poids dans la balance du destin ? » Il parlait ; Énée lui répond en courroux : « Ces vains amas d’argent et d’or dont tu nous vantes la richesse, épargne-les pour tes enfans. Des traités entre nous ! Turnus les a proscrits, en égorgeant Pallas. Ainsi l’entend l’ombre d’Anchise, ainsi l’entend le jeune Iule. » À ces mots, il saisit d’une main le casque de sa victime, et, lui courbant la tête, enfonce dans ce cœur pusillanime un glaive impitoyable.

Non loin combattait le vaillant fils d’Hémon, guerrier pontife, cher à Phébus, cher à Diane : son front ceignait la tiare et le bandeau sacré ; tout resplendissant d’or, il étalait avec orgueil ses vêtemens pompeux et sa brillante armure. Mais devant Énée qui le presse, il fuit, chancelle, et tombe : Énée triomphant l’immole, et le plonge dans l’ombre éternelle. Séreste arrache au vaincu ses magnifiques dépouilles, et, ployant sous le faix, t’en consacre, dieu de la guerre, le superbe trophée. Pour soutenir