Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/307

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voudra point fléchir sous un joug étranger, sous des maîtres nouveaux. » Il dit ; et sur ses flancs dociles, l’animal belliqueux reçoit son faix accoutumé. Les deux mains du Toscan sont chargées de javelots aigus : l’airain de son casque étincelle sur sa tête ; et les crins d’un coursier l’ombragent en aigrette ondoyante : tel, perçant les bataillons, il vole aussi prompt que l’éclair. Au fond de son cœur bouillonnent et la colère aveugle, et la folle douleur, et l’amour ulcéré d’un père, et la mâle fureur des guerriers.

Trois fois il appelle Énée d’une voix terrible. Énée le reconnaît, et s’écrie plein de joie : « Fasse le père des dieux, fasse le puissant Apollon, que ta rage ose m’attaquer ! » À ces mots, il marche au tyran et le provoque de sa lance redoutable. « Barbare, dit Mézence, tu massacras mon fils ; que puis-je craindre encore ? Mon fils ! en le frappant, tu m’as frappé moi-même. Va, je ris de la mort, et je brave tous les dieux : cesse de vaines menaces : je viens mourir ; mais, avant d’expirer, voici les dons que je t’envoie. » Il dit, et fait siffler contre son ennemi un javelot rapide ; un second lui succède, un autre encore le suit : le Toscan vole, il tourne, il frappe ; mais le bouclier d’or pare les coups de la tempête. Trois fois Mézence décrit un cercle menaçant autour de son fier adversaire, et l’accable en courant d’une grêle de traits : trois fois le héros troyen tourne avec la forêt de dards dont son pavois est surchargé. Mais impatient de tous ces longs détours, las d’arracher sans fin les traits dont il est assailli, et fatigué d’un combat inégal où sa vaillance est vaine, il songe