Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/321

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d’un tombeau ? La guerre n’est pas pour des vaincus, maintenant vaines ombres : il doit quelque indulgence au peuple où l’accueillirent naguère l’hymen et l’hospitalité. » Le héros compatissant accède à leur juste prière, et leur répond avec bonté : « Quelle fortune ennemie, ô Latins, a pu vous entraîner dans cette guerre désastreuse ? quelle fatale erreur vous fait fuir notre alliance ? Vous implorez la paix pour ceux qui ne sont plus, pour ceux qu’a moissonnés le sort des batailles : ah ! combien je voudrais aussi l’accorder aux vivans ! Je n’aurais pas cherché vos bords, si le destin n’eût marqué dans ces lieux ma dernière demeure ; et ce n’est point à Laurente qu’en veut mon courroux légitime. Latinus a rompu les nœuds qui m’unissaient à lui ; Latinus a compté davantage sur les armes de Turnus : c’était donc à Turnus d’affronter ici la mort. S’il voulait que le glaive terminât nos querelles, s’il prétendait chasser Troie de l’Italie, que ne venait-il, seul à seul, mesurer sa lance à la mienne ? alors eût vécu sans rival celui qu’auraient fait vaincre les dieux ou sa vaillance. Vous, allez maintenant ; livrez aux flammes du bûcher vos malheureux concitoyens. »

Énée se tait : frappés d’un long étonnement, les Latins immobiles se regardaient en silence. Enfin le vieux Drancès, éternel ennemi, accusateur éternel du jeune roi d’Ardée, prend ainsi la parole : « Ô vous, si grand par votre nom et plus grand encore par vos armes, prince, l’honneur des Troyens ! en quels termes assez nobles pourrais-je exalter votre gloire ? Que dois-je admirer le plus, ou de votre