Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/325

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de leurs cris la ville désolée. Mais comment retenir le malheureux Évandre ? Il court, il fend la foule ; il arrête l’affreux cercueil, se précipite sur son fils, le presse entre ses bras, et, l’arrosant de larmes, exhale sa douleur en longs gémissemens. Enfin sa voix s’ouvre un passage à travers les sanglots.

« Est-ce donc là, cher Pallas, ce que tu promis à ton père ? Tu voulais, disais-tu, n’affronter qu’avec prudence les fureurs de Mars. Je n’ignorais pas ce que peuvent sur une âme généreuse les prémices de la gloire, et cet orgueil si doux qu’inspirent les premiers combats. Funestes essais d’une valeur naissante ! amer apprentissage du métier des armes ! vœux inutiles, vaines prières, que les dieux n’ont point entendus ! Et toi, ô vertueuse épouse, que ta mort fut heureuse ! elle t’épargna du moins le tourment qui m’accable. Mais moi, père infortuné, j’ai vécu trop long-temps ; j’ai prolongé mes tristes jours, pour voir trancher ceux de mon fils ! Ah ! que n’ai-je suivi moi-même les drapeaux des Troyens ! j’aurais succombé seul sous les traits des Rutules ; mon sang eût satisfait leur rage ; et cette pompe funèbre m’eût, au lieu de Pallas, ramené aujourd’hui dans ces murs. Troyens, ma douleur ne vous accuse pas ; elle ne murmure ni des traités ni des nœuds qui nous unirent : tel était le sort déplorable réservé à ma vieillesse. Du moins, puisqu’une mort prématurée dut moissonner mon fils, il est tombé, ce fils, sur des monceaux d’ennemis qu’immola son courage ; il est tombé, en ouvrant aux Troyens les portes du Latium ; et cette image me console. Évandre