Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/33

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l’implacable épouse de Jupiter fendait en ce moment les nues sur son char diaphane. Du haut des airs, et des pics éloignés où le Pachynum commande à la Sicile, elle a vu la victoire du fils d’Anchise, et la flotte d’Ilion au port ; elle a vu les Troyens exhaussant déjà leurs murailles, déjà se confiant à leur terre adoptive, oubliant déjà leurs navires. Soudain elle s’arrête, le cœur plein d’un dépit amer ; et secouant sa tête altière, elle exhale ainsi sa fureur : « Ô race que j’abhorre ! ô destins de Troie, contraires à mes destins ! Quoi ! les perfides n’auront pu trouver leur tombeau dans les champs de Sigée ! Vils captifs, ils sont libres ! Troie en feu n’a pu les consumer ! Assaillie par le fer, investie par la flamme, leur audace s’est fait jour à travers la flamme et le fer ! Sans doute, ma constance enfin s’est lassée ? ma haine assouvie s’est éteinte ? Que dis-je ? chassés de leur patrie, ma longue indignation les a suivis sur l’onde. J’ai soulevé contre leur fuite l’océan tout entier ; j’ai, pour les perdre, épuisé tous les fléaux et du ciel et des mers. Que m’ont servi les Syrtes ? que m’ont servi les gouffres et de Charybde et de Scylla ? Tranquilles possesseurs des rives désirées, ils bravent aux bords du Tibre et les mers et Junon ! Mars a bien pu détruire l’indomptable nation des Lapithes ; le père des dieux lui-même a livré Calydon aux vengeances de Diane. Quel forfait cependant avaient commis les Lapithes, avait commis Calydon ? Et moi, puissante épouse de Jupiter, moi dont l’effort a tout osé, moi dont les fiers ressentimens ont remué les airs, et la terre, et les