Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/335

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quelle espérance nous conduit dans Arpos. Lui, cependant, il nous écoute d’un air paisible, puis nous répond avec douceur : — Ô nations fortunées ! bon peuple de Saturne ! race antique de l’Ausonie ! quelle jalouse fortune trouble aujourd’hui vos innocens loisirs, et vous engage à provoquer une lutte dont vous ignorez les périls ? Nous tous, dont le fer destructeur dévasta les champs d’Ilion, quel sort nous accueillit ! sans parler de tant de maux essuyés sous les murs de la superbe Troie ; sans nommer tant de victimes, que le Simoïs roule encore dans ses flots ; l’univers nous a vus traîner de rivage en rivage nos épouvantables malheurs, et les supplices dus au crime ont expié notre gloire. Hélas ! Priam lui-même serait touché de nos revers. J’en atteste et l’astre orageux de Minerve, et les roches eubéennes, et le mont Capharée, et ses fanaux vengeurs. Après ces grands combats, contemplez nos débris errans sur des mers opposées. Le fils d’Atrée, Ménélas, est poussé par les vents jusqu’aux bords lointains de Protée. Ulysse a vu les enfans de l’Etna, les monstrueux Cyclopes. Dirai-je Néoptolème, égorgé par Oreste ; Idoménée en deuil, repoussé de la Crète ; et les fiers Locriens jetés sur les sables de Libye ? Agamemnon lui-même, ce roi de tant de rois, ce chef auguste de la Grèce, expire, au seuil de son palais, sous le poignard de son infâme épouse : un lâche adultère a triomphé, dans l’ombre, du vainqueur de l’Asie. Et moi, que n’ai-je point souffert du courroux des dieux ! ils