Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/337

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m’ont envié la douceur de revoir mes lares paternels, de retrouver une épouse chérie, de visiter le doux séjour de Calydon. Maintenant encore, des prodiges effrayans me poursuivent en ces lieux mêmes : mes compagnons, hélas ! couverts tout à coup d’un plumage étranger, ont pris leur vol dans les airs : oiseaux plaintifs (ô déplorable exemple des vengeances célestes !), ils errent le long de ces rivages, et remplissent de cris lugubres les rochers d’alentour. Ces fléaux, je dus les prévoir, depuis que ma fureur osa tourner un glaive impie contre les Immortels, et souilla la main de Vénus d’une blessure sacrilège. Non, non, ne m’entraînez point à de pareils combats. Quand Pergame est détruite, je ne fais point la guerre à ses restes errans : j’oublie les désastres passés ; la victoire éteignit ma haine. Ces dons, que vous m’apportez de vos rives natales, offrez-les au fils d’Anchise. Nos traits se sont croisés dans maint choc périlleux ; plus d’une fois nos bras ont mesuré leurs forces : ah ! croyez-en mon expérience, de quel air terrible il présente le bouclier ! de quelle main foudroyante il fait voler un dard ! Si les champs phrygiens eussent encore enfanté deux héros tels que lui, les descendans de Dardanus auraient eux-mêmes porté la flamme aux cités d’Inachus ; et l’on verrait la Grèce, aujourd’hui triomphante, pleurer sur ses ruines. Lorsque l’indomptable Troie nous consumait en vains efforts autour de ses remparts, c’est Hector, c’est Énée, dont la vaillance arrêta si long-temps la victoire des Grecs, et retarda dix ans la dernière journée d’Ilion. Tous deux illustres par leurs vertus, tous