Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/341

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tout raconte aux yeux nos malheurs, et la main peut toucher nos plaies. Je n’accuse personne : la valeur a fait tout ce qu’elle pouvait faire, l’Ausonie a combattu de toute sa puissance. Maintenant, au milieu des pensers divers qui tiennent mon esprit en suspens, voici ce que je propose : prêtez une oreille attentive, j’ai peu de mots à dire. Non loin du fleuve qui baigne l’Étrurie, est une plage immense, domaine antique de mes pères, et prolongée vers le couchant jusqu’aux frontières des Sicaniens. L’Auronce et le Rutule ont défriché ces champs incultes ; le soc de la charrue en sillonne les âpres coteaux, et les troupeaux épars y paissent dans les bruyères. Tout ce vaste pays, toute cette chaîne de montagnes dont une forêt de pins ombrage les hauteurs, achetons-en l’amitié des Troyens : offrons-leur une paix dont l’équité soit la base, et partageons avec eux l’empire du Latium : si nos contrées ont pour eux tant de charmes, qu’ils y fixent leur sort, qu’ils y fondent leurs nouveaux remparts. Songent-ils, au contraire, à chercher d’autres climats et d’autres peuples ? aspirent-ils à quitter nos bords ? Que le chêne italique se façonne en navires : construisons-leur vingt galères, plus encore s’ils peuvent les remplir ; les matériaux tout prêts attendent sur le rivage : qu’Énée règle lui-même et le nombre et la forme des vaisseaux ; nous, donnons, à l’envi, l’airain, les bras, et les agrès. Enfin, qu’organes de mes sentimens, et négociateurs amis, cent députés, la fleur