Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/345

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d’un père : donnez à votre fille un époux digne d’elle ; qu’un noble hyménée les unisse, et qu’une éternelle alliance cimente une paix éternelle. Si pourtant la colère d’un seul inspire à tous tant d’épouvante, descendons à la prière, supplions ce guerrier terrible : qu’il permette au monarque d’user des droits du trône, qu’il cède quelque chose aux pleurs de la patrie. Voulez-vous donc livrer sans fin au carnage de malheureux citoyens, ô vous, la source et la cause des désastres du Latium ? Nul salut pour nous dans la guerre : nos vœux unanimes vous demandent la paix, Turnus ; et Lavinie est le seul gage d’une paix inviolable. Moi-même le premier, moi qui vous hais, dites-vous (et je ne m’en défends pas, s’il vous plaît de le croire), moi-même je tombe à vos genoux : prenez pitié de l’Ausonie ; que votre fierté fléchisse ; vaincu, retirez-vous : assez long-temps nous avons vu la mort moissonner nos rangs éperdus ; assez long-temps le trouble et l’horreur ont désolé nos campagnes. Ou si la gloire vous enflamme, si votre espoir s’élève à de si hardis projets, s’il vous faut une couronne pour dot ; qu’attendez-vous ? marchez sans pâlir au rival qui vous appelle. Eh quoi ! pour que Turnus obtienne une épouse royale, nous, vil peuple, rebut abject, privés de tombeaux et de larmes, nous joncherons l’arène de nos cadavres mutilés ! Allons, si l’honneur vous anime, si vous avez quelque étincelle du feu dont brûlaient vos ancêtres, osez regarder en face le héros qui vous défie. »

À ces amères invectives, la bile de Turnus s’allume ;