Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/347

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il frémit, il soupire ; son dépit éclate en ces termes : « Oui, j’en conviens, Drancès ; ton éloquence est toujours féconde en discours, lorsque la guerre veut des actions. S’agit-il de délibérer, le premier tu cours au conseil. Que j’aime ces bravades, faites au sein d’un sénat paisible ! Que j’aime ces grands mots débités sans périls, tant qu’un rempart officieux te sépare de l’ennemi, et que le sang n’inonde point nos tranchées ! Tonne ici, tonne à loisir ; un vain flux de paroles, voilà tes armes ordinaires : accuse-moi de lâcheté, toi, Drancès, toi dont la main entassa tant de fois sur l’homicide arène des monceaux de Troyens, toi dont les nombreux trophées décorent nos campagnes. Ce bouillant courage si fertile en exploits, tu peux l’essayer sur l’heure : marchons, l’ennemi n’est pas loin ; il cerne, il presse nos murailles. Eh bien ! tu ne voles point à sa rencontre ? qui t’arrête ? N’auras-tu donc jamais d’audace qu’à parler, d’habileté qu’à fuir ? Moi, j’ai tourné le dos ! Est-ce à Turnus, infâme, que s’adresse un pareil reproche ; lui, qu’on a vu faire regorger le Tibre du sang des Troyens immolés ; lui, dont le glaive extermina dans Pallas le dernier rejeton d’Évandre ; lui, vainqueur des fiers Arcadiens, et couvert de leurs dépouilles ? Ah ! tel ne m’ont point vu Bitias, et Pandarus, ce géant terrible, et ces milliers de morts que mon bras triomphant précipita dans le Tartare, le jour où, seul, enfermé dans leur ville et ceint de leurs murs ennemis, j’y semai le carnage et l’effroi. Nul salut pour nous dans la guerre, dis-tu.