Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/35

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eaux ; malheureuse ! je suis vaincue par Énée ! Ah ! si mon pouvoir doit faillir, courons implorer ailleurs des divinités qui ne sachent point fléchir. Le Ciel trahit ma cause ? j’armerai les Enfers. Rien ne pourra, je le sais trop, arracher aux mains du transfuge le sceptre des Latins ; et l’immuable arrêt des destins enchaîne à son sort Lavinie. Mais ne puis-je retarder au moins son bonheur, reculer d’un jour son triomphe ? Ne puis-je, au défaut de leurs rois, exterminer deux peuples qui m’offensent ? Oui, qu’à ce prix s’unissent le beau-père et le gendre. Le sang de Laurente et de Troie, voilà ta dot, vierge fatale ! que Bellone préside à tes noces. La fille de Cissé n’aura point seule enfanté la torche d’llion ; Vénus n’enviera rien à la couche d’Hécube : Énée cache un autre Pâris, et Pergame va s’embraser encore à son flambeau funeste. »

Elle dit, et, pareille aux sombres tempêtes, s’élance sur la terre. Du séjour des cruelles Furies, du fond des ténébreux abîmes, elle évoque la barbare Alecton, qui se plaît aux tristes discordes, aux lâches complots, aux meurtres, à tous les crimes : monstre odieux, que Pluton même abhorre, qu’abhorrent ses infernales sœurs ; tant sa laideur prend des formes hideuses, tant son aspect est effroyable, tant sifflent de noires couleuvres sur son horrible tête ! Junon l’irrite encore, et l’excite en ces termes : « Viens, fille de la Nuit, tu peux servir ma colère ; viens sauver ma gloire et mon nom de l’opprobre des vaincus. Souffriras-tu qu’un infâme hyménée