Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/365

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milieu des antres affreux, il exprimait, pour en nourrir sa fille, le lait grossier d’une cavale, et présentait aux mamelles d’un animal superbe les lèvres d’un enfant. À peine fut-elle instruite à former ses premiers pas, un dard aigu arma ses faibles mains ; sur ses épaules délicates l’arc et le carquois flottèrent suspendus ; au lieu de tresses d’or, au lieu d’une robe ondoyante, la dépouille d’un tigre jetée sans art à l’entour de sa taille, telle était sa parure. Déjà ses jeunes mains lançaient des flèches légères ; déjà, saisissant la fronde, elle en faisait tourner au-dessus de sa tête les lanières sifflantes ; elle frappait dans la nue et l’oiseau du Strymon et le cygne argenté. Plus d’une mère, dans les villes de Tyrrhène, la souhaita pour épouse à son fils : vain souhait ! toute entière à Diane, Camille vécut fidèle au goût des armes, aux lois de la pudeur, et dédaigna toujours les douceurs de l’hymen. Pourquoi faut-il qu’entraînée dans ces luttes sanglantes, elle coure provoquer les Troyens ? on la verrait encore, toujours chère à mon cœur, grossir le nombre de mes compagnes. Mais puisqu’un sort cruel s’obstine à la poursuivre ; descends, Nymphe, du haut des cieux, et vole aux champs du Latium, où s’apprête sous de malheureux auspices un funeste combat. Voici mes armes : tire de mon carquois un trait vengeur. Quiconque aura frappé d’un fer homicide cette chaste Amazone ; Troyen, Toscan, n’importe, qu’il périsse à son tour ; que sa mort venge mes douleurs. Moi-même ensuite, j’enlèverai dans un épais nuage les restes de