Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/37

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allie malgré moi Latinus aux proscrits du Scamandre, et lègue au rebut des Phrygiens l’héritage de l’Ausonie ? Tu parles ; et les poignards se croisent entre des frères qui s’embrassaient la veille, et les familles s’entre-déchirent dans leurs convulsions intestines. Par toi, le fouet vengeur des Euménides et leurs brandons funèbres vont porter la terreur jusque sous les lambris des rois. Tous les désastres t’accompagnent, et la terre tremble en ta présence. Déploie ta rage féconde ; romps le pacte juré ; sème le trouble et la guerre. Aux armes ! aux armes ! Que tout se lève ! que tout vole au carnage ! »

À l’instant même, armée du poison des Gorgones, Alecton précipite son essor vers les champs de Laurente et les altières demeures du monarque latin. Bientôt le spectre invisible siège au chevet d’Amate. Là, détestant l’abord des Troyens, et pleurant l’affront de Turnus, Amate, femme et reine, dévorait sa douleur jalouse et son ardent courroux. L’affreuse déesse lui lance un des serpens de sa livide coiffure, et le dirige au cœur de sa victime. Ainsi l’infortunée, que déjà le monstre possède, va remplir elle-même son palais d’épouvante et d’horreur. Le reptile s’insinue sous les voiles qui la couvrent, glisse légèrement sur son sein, et, trompant ses fureurs, lui souffle à son insu le venin des vipères. Tantôt, repliant ses anneaux immenses, il lui compose un collier d’or ; tantôt, se déroulant en longues bandelettes, il s’entrelace dans ses cheveux, coule, retombe et l’embrasse, et circule autour de sa taille.