Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/383

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

furtivement vers elle son rapide coursier. Tantôt de loin, tantôt de près, sans cesse l’opiniâtre guerrier tourne à l’entour de sa proie, et balance d’une main cruelle son javelot trop sûr.

Tout à coup paraît Chlorée ; Chlorée, consacré à Cybèle, et jadis prêtre de la mère des dieux : il rayonnait au loin d’éclat sous son armure phrygienne. Son coursier blanchissant d’écume bondissait dans la plaine, couvert d’un superbe harnois, où le bronze et l’or, façonnés en lames brillantes, imitaient le plumage du peuple ailé des airs. Lui-même, paré des couleurs rembrunies d’une pourpre étrangère, il s’avançait, décochant d’un arc de Lycie des flèches aiguisées dans la Crète. Sur ses épaules résonne un carquois d’or : un casque d’or ombrage son front sacré. L’or, en agrafe éblouissante, soutient sa chlamyde légère que le safran colore ; et les plis ondoyans de son manteau de lin s’agitent au gré des vents. L’aiguille a brodé sa tunique flottante, a brodé ses longs cuissards, chefs-d’œuvre des pays lointains. L’Amazone l’aperçoit : soudain, soit qu’elle brûle de suspendre aux temples de ses dieux une armure troyenne, soit qu’elle destine ces dépouilles captives à relever ses charmes au sein des forêts, c’est Chlorée seul qu’elle suit en aveugle parmi tant de guerriers ; femme, et sans prévoyance au milieu du carnage, elle dévore en espoir ce riche butin et ces atours magnifiques.

Arruns, posté près d’elle, saisit enfin le moment favorable, fait voler sa javeline, et, d’une voix inquiète, implore ainsi les dieux : « Père dû jour, ô