Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/441

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batailles, il s'avance, brandissant de fureur son énorme javeline. Avec lui s’élancent, à la tête de leurs nombreuses cohortes, et Mnesthée que rien n’arrête, et le fougueux Anthée : l’armée entière les suit, et, loin du camp désert, se précipite dans la plaine : un nuage de poudre s’élève des sillons, la terre tremble et gémit sous le poids mouvant des phalanges. Des hauteurs opposées, Turnus a vu la tempête qui s’approche en grondant, et son audace s’en étonne ; les Ausoniens l’ont vue, et leurs cœurs sont glacés d’effroi : Juturne la première, au bruit menaçant qui la frappe, reconnaît le héros, et fuit épouvantée.

Énée vole, entraînant ses noirs bataillons à travers les vastes campagnes. Tel, roulant vers la terre, le sombre nuage qu’un ciel orageux enfanta franchit l’étendue des mers : le laboureur infortuné, présageant de loin sa ruine, frissonne et pâlit de terreur : l’ouragan va, dans sa course, arracher les troncs fructueux, écraser l’or des moissons, porter le ravage en tous lieux : les vents déchaînés le devancent, et leurs longs sifflemens font retentir les rivages. Ainsi le chef des Troyens pousse contre l’ennemi ses formidables légions : leurs flancs serrés s’épaississent en colonne impénétrable. Sous le fer de Thymbrée tombe le puissant Osiris ; Mnesthée perce Archétius, Achate renverse Épulon, Gyas immole Ufens : frappé du coup mortel, Tolumnius expire ; Tolumnius, ce téméraire augure, qui lança le premier contre les Troyens une flèche insensée. Des cris confus s’élèvent jusqu’aux cieux ; et tournant le dos à leur tour, les Rutules fuient dans la plaine à travers des flots de poussière. Le héros ne daigne pas envoyer la