Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/445

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que l’éclair. Que faire ? hélas ! et que tenter ? Le héros flotte en vain entre la honte et la colère ; en vain mille projets opposés roulent et se combattent dans son âme incertaine. Pendant qu’il délibère, Messape accourt, balançant deux javelots légers garnis d’un fer aigu. Un des deux est parti, lancé d’une main sûre : Énée s’arrête, se ramasse sous ses armes et fléchit le genou : le dard, trompé dans son essor, effleure pourtant les hauteurs du cimier, et jette au loin le panache qui les surmonte. L’indignation alors s’empare de son âme, et tant de perfidies allument sa vengeance. Las de poursuivre sans le joindre le char insidieux qu’emportent les coursiers, il prend mille fois à témoin et Jupiter et les autels garans du traité rompu ; enfin tombant comme la foudre sur les rangs ennemis, terrible, impitoyable, il enveloppe dans un vaste carnage tout ce qui s’offre à ses coups ; et ses justes fureurs n’ont plus de frein qui les arrête.

Quel dieu me dévoilera tant de scènes d’horreur ? qui retracera dans mes vers tant de sanglans exploits, tant d’illustres guerriers, aujourd’hui vaines ombres, moissonnés en ces champs funestes, ici par le fer de Turnus, là par le fer du fils d’Anchise ? Avez-vous pu, grands dieux, livrer à ces affreux conflits deux peuples que devait unir une paix éternelle !

Énée fond tout à coup sur le robuste Sucron : à ce prélude menaçant, les Troyens, qu’entraînait trop loin leur ardeur, s’arrêtent et reforment leurs files : l’épée rapide du héros atteint le Rutule dans les flancs ; et s’ouvrant un passage vers l’endroit où les côtes servent de rempart à la poitrine, la pointe meurtrière