Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/459

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ton adresse rompit un funeste accord, et que tu vins te mêler toi-même à nos sanglans débats. Cesse de feindre ; ces traits mortels voilent en vain la déesse. Mais quel dieu t’a fait quitter l’Olympe ce pour ces champs de massacre et d’horreur ? Y viens-tu contempler le trépas funeste de ton malheureux frère ? Car enfin que puis-je encore ? et quel espoir de salut le sort cruel m’a-t-il laissé ? J’ai vu moi-même, j’ai vu le grand Murranus égorgé sous mes yeux, en demandant vengeance : cet ami cher à mon cœur, ce guerrier puissant, hélas ! un guerrier plus puissant encore l’a couché dans la poudre. Le déplorable Ufens a péri, pour n’être pas témoin de ma honte : son cadavre et ses armes sont restés la proie du vainqueur. Souffrirai-je, ô comble d’ignominie ! que le fer et la flamme détruisent à mes yeux nos murailles ? et mon glaive oisif justifiera-t-il les clameurs de Drancès ? Quoi ! je fuirais ! quoi ! ces plaines verraient Turnus reculer devant son rival ! Ah ! la mort est-elle donc un malheur si terrible ? Vous, ô dieux des enfers, soyez-moi propices, puisque les dieux du ciel me sont inexorables ? Mon âme descendra vers vous irréprochable et pure ; et, du moins exempt d’infamie, Turnus ne fera point rougir ses illustres aïeux. »

Comme il parlait encore, tout à coup Sacès fend les rangs ennemis sur un coursier blanchi d’écume : blessé d’une flèche au visage, il accourt implorant Turnus d’une voix lamentable : « Turnus ; ton bras est notre dernier espoir ; prends pitié de tes