Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/467

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à la fois mille et mille coups terribles : le hasard se mêle à l’adresse, et les succès se confondent. Tels sur le vaste Sila, tels sur le haut Taburne, deux taureaux jaloux, baissant leur front sauvage, fondent soudain l’un sur l’autre, et se livrent un combat à mort : les pâtres ont fui consternés ; le troupeau, muet d’épouvante, reste au loin immobile ; et les génisses inquiètes attendent, en frémissant, qui des deux aura l’empire des pâturages, qui des deux marchera le roi du troupeau : cependant le couple irrité s’entre-déchire avec fureur ; acharnés l’un sur l’autre, ils se percent tour à tour de leurs cornes meurtrières ; le sang ruisselle à grands flots de leur cou nerveux, de leurs larges épaules ; et la forêt profonde répond en mugissant à leur affreux murmure. Ainsi le héros Troyen, ainsi le héros Rutule, font retentir, en se chargeant, leurs boucliers : un long fracas remplit au loin les airs.

Jupiter suspend alors lui-même ses balances immortelles, dont la justice a fixé l’équilibre : il pèse dans l’or des bassins le sort divers des deux puissances, et considère qui les Destins condamnent, de quel côté penche la mort. Tout à coup Turnus s’élance, croyant saisir le moment favorable : et le corps dressé, l’épée haute, il assène un coup terrible à son rival. Les Troyens poussent un cri d’effroi, les Latins un cri d’espérance ; et les deux armées dans l’attente osent à peine respirer. Mais le perfide acier se brise, et trahit la fureur qui comptait sur ses coups. Le héros trompé n’a que la fuite pour ressource : il fuit, hélas ! plus léger que les vents ; et