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Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/47

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et, parmi les querelles des princes, vous berce en vos extases de chimériques terreurs. Mêlez-vous du soin des autels, veillez au culte des dieux ; prêtresse, voilà votre office. Les rois sauront bien faire eux-mêmes et la guerre et la paix : la guerre est le métier des rois. »

Ces mots ont allumé la colère d’Alecton. Turnus parlait encore : un tremblement subit s’empare de ses membres, ses yeux sont immobiles d’effroi ; tant l’Euménide fait siffler d’horribles vipères, tant elle apparaît tout à coup hideuse et menaçante ! Alors, roulant des regards enflammés, sourde aux prières qui la conjurent, elle repousse le téméraire, dresse contre lui ses deux plus fiers serpens, fait résonner son fouet vengeur, et lui crie d’une voix tonnante : « La voilà, cette vieille, au cerveau malade, aux folles visions, et que berce au milieu des querelles des princes de chimériques terreurs. Regarde, et connais-moi : je suis la fille des enfers, et la sœur des Furies ; je porte en mes mains la guerre et la mort. » Elle dit, et lui lance une torche ardente. Le brandon, au feu sombre, s’attache au sein du héros, et le couvre d’un tourbillon de flamme et de fumée. Turnus, épouvanté, s’éveille : de longs flots de sueur ruissellent par tout son corps. Éperdu, frémissant : « Mes armes » ! s’écrie-t-il ; « mes armes ! » et sur sa couche, dans son palais, partout il cherche des armes. Il ne respire que le fer, que la rage insensée des combats. Ainsi, lorsque la flamme qu’alimente un bois aride mugit sous les parois d’airain où bouillonne une eau captive, le fluide embrasé gronde et