Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/471

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entend crier ses mâchoires grondantes : mais il n’a mordu que le vent. Alors partent du sein des deux armées des clameurs tumultueuses ; les échos du rivage, les lacs d’alentour en retentissent de toutes parts ; et le ciel tonne, ébranlé de leurs bruyans éclats. Turnus, dans sa fuite, gourmande ses bataillons oisifs ; il appelle tour à tour par son nom chacun de ses soldats, et demande à grands cris son glaive accoutumé. Le fils d’Anchise, au contraire, jure de punir, de percer à l’instant quiconque oserait approcher : il jette la terreur dans les rangs éperdus, en menaçant d’exterminer Laurente ; et, malgré sa blessure, il poursuit toujours son rival. Cinq fois ils décrivent, en courant, le tour de la fatale enceinte ; cinq fois, revenant sur leurs pas, ils en mesurent encore les détours circulaires. Ce n’est point un laurier frivole, un prix imaginaire, que cette lutte promet au vainqueur : c’est le sang de Turnus, c’est la mort d’un héros, qui doivent sceller la victoire.

Là s’élevait naguère en l’honneur de Faune un olivier sauvage, arbre antique au feuillage amer, et révéré long-temps des nautonniers : sauvés des fureurs de l’onde, ils venaient en ces lieux consacrer au dieu des Laurentins leurs pieuses offrandes, et suspendre aux rameaux sacrés leurs humides vêtemens. Mais sans respect pour ce tronc religieux, les Troyens l’avaient abattu, afin qu’aucun obstacle n’embarrassât la lice. C’est là qu’avait porté la lance du fils d’Anchise, là que, poussée d’un bras puissant, elle s’était enfoncée dans la souche noueuse ; et le fer, attaché aux racines,