Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/479

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ils le porteront toujours : mêlés à ce grand corps, les Troyens n’y domineront pas : j’établirai pour tous un même culte, un même ordre de cérémonies religieuses ; et, réunis sous mes auspices, les deux peuples confondus formeront le peuple latin. De ce mélange fortuné du sang d’Assaracus et du sang Ausonien doit sortir une race illustre que vous verrez s’élever, à force de vertus, au-dessus des hommes, au-dessus des dieux mêmes ; et jamais aucun peuple n’ira porter à vos autels de plus pompeux hommages. » Ces promesses ont désarmé Junon, et son âme satisfaite sent expirer son courroux. La déesse quitte aussitôt les airs, et de la nue remonte dans l’Olympe.

À peine elle a disparu, le dieu suprême roule dans sa pensée un autre projet : sa sagesse veut écarter Juturne de la lice où combat son frère. Il est, dit-on, deux noires Furies : on les appelle Dires dans le ciel. La sombre Nuit les enfanta au même instant que l’infernale Mégère, les hérissa comme elle de serpens tortueux, et leur donna des ailes aussi promptes que les vents : près du trône de Jupiter, aux pieds de ce maître redoutable, elles veillent attentives à ses ordres ; et c’est de là qu’elles vont semer l’effroi chez les infortunés humains, quand le roi des Immortels déchaîne sur la terre la mort hideuse et les pâles maladies, ou qu’il souffle aux cités coupables les horreurs de la guerre. Jupiter fait descendre la plus agile des hauteurs de l’Olympe, et lui commande de porter à Juturne un présage funeste. Elle vole, et franchit l’espace éthéré dans un tourbillon.