Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/87

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de son onde, et porter l’abondance aux fertiles contrées qu’il arrose ; le Tibre aux flots d’azur, aux rives aimées des cieux. Ici Rome, cité pompeuse, naîtra pour embellir mes plages et commander au monde. »

À ces mots, le dieu se replonge au fond de son liquide palais ; la Nuit s’envole, et le héros s’éveille. Énée se lève ; il adore l’astre matinal qui déjà brille à l’orient ; puis, courbé vers le fleuve où ses mains se sont purifiées, il implore les divinités tutélaires de ces lieux : « Nymphes, ô Nymphes de Laurente, dont le limpide cristal nourrit les lacs d’alentour ! toi surtout, dieu du Tibre ! et vous, ondes sacrées dont le Tibre est le père ! recevez le fils d’Anchise, et sauvez-nous enfin des coups de la Fortune. Quels que soient les antres humides où se cache ton berceau, quelle que soit la source ignorée d’où s’épand ta nappe imposante ; oui, quand tu plains nos malheurs, Énée t’assure un éternel hommage et des offrandes éternelles, beau fleuve, auguste souverain des eaux de l’Hespérie ! ô seulement sois-nous propice ! et daigne, par un signe, confirmer tes oracles. » Il dit ; et parmi ses birèmes, il choisit les deux plus légères, les munit d’ardens matelots, et les charge de soldats armés.

Tout à coup, ô surprise ! ô merveille ! sous les ombrages écartés paraît la laie mystérieuse, étalant sa blancheur sur le vert gazon du rivage, et pressant autour d’elle ses nouveau-nés, d’une égale blancheur. C’est à toi, puissante Junon, à toi que le pieux Énée la dévoue ; et sur le même autel, il