Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres VII-XII.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

altiers pavillons, et ces phalanges naviguant à travers l’épais feuillage, et ces doubles rangs de rameurs battant l’onde en silence ; un subit effroi s’empare des esprits ; la foule éperdue se lève, et déserte les tables sacrées. Mais l’intrépide Pallas leur défend d’interrompre la fête ; et, saisissant un javelot, lui-même il vole au rivage ; puis, de loin sur un tertre : « Guerriers, s’écrie-t-il, quel sujet vous force à tenter ces routes inconnues ? où courent vos navires ? Quels cieux, quelles terres vous ont vus naître ? Est-ce la paix ou la guerre que vous nous apportez ? »

Alors, du haut de sa poupe, montrant l’olivier pacifique dont il balance un rameau, le sage Énée parle en ces termes : « Vous voyez les enfans de Troie ; ce fer n’en veut qu’aux Latins dont l’orgueil barbare nous repousse et proscrit le malheur. Évandre est notre espoir : allez, et portez-lui nos vœux. Dites-lui que l’élite des héros phrygiens a touché vos parages, et brûle d’associer son courage à vos armes. » À ce grand nom, Pallas étonné s’incline : « Ah ! qui que vous soyez, dit-il, descendez ; nos ports vous sont ouverts. Venez vous-mêmes entretenir mon père ; et partagez, près de nos Lares, nos toits hospitaliers. » À ces mots, il tend la main au fils d’Anchise, et, recevant la sienne, la presse avec respect. Le bois saint les accueille ensuite sous son antique ombrage, et le fleuve a fui derrière eux.

Bientôt Énée épanche ainsi son cœur dans le cœur du monarque : « Ô le plus juste, ô le meilleur des Grecs ! la Fortune m’ordonne d’implorer votre appui ; et ces rameaux supplians, et le deuil de ces bandelettes, vous disent assez nos douleurs. J’ai vu sans