Page:Virgile - Georgiques Delille 1819.djvu/131

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Ou dans des prés fleuris il nourrit mes troupeaux.
Telles on aime à voir ces campagnes fécondes,
Que le Clain trop souvent engloutit sous ses ondes :
Tels les champs du Vésuve, et ces heureux vallons
Dont la riche Capoue admire les moissons.
Apprenons maintenant par quelle épreuve sûre
On peut des sols divers distinguer la nature.
Ici la terre est forte, et Cérès la chérit ;
Ailleurs elle est légère, et Bacchus lui sourit.
Pour ne pas t’y tromper, que la bêche la sonde.
Creuse dans son enceinte une fosse profonde :
Ce qui vient d’en sortir, il faut l’y repousser ;
Sur ce monceau poudreux bondis pour l’affaisser.
Descend-il sous les bords ? Cette terre est légère ;
Là ton troupeau s’engraisse, ou ta vigne prospère.
Si cet amas épais, rebelle à ton effort,
Refuse de rentrer dans le lieu dont il sort,
À la plus forte terre il faut dès lors t’attendre :
Que tes plus forts taureaux gémissent pour la fendre.
Mais ce terrain amer qu’aucun soin n’adoucit,
Où l’arbre de Pallas jamais ne réussit,
Où le cep dégénère, où le blé craint de naître,
Apprends par quel moyen tu peux le reconnaître.
Sous tes toits enfumés prends ces paniers de joncs
Dont le tissu n’admet que de faibles rayons ;
Ces vases du pressoir, où des raisins qu’on foule
En ruisseaux épurés le jus brillant s’écoule.
Là, pour mieux l’éprouver, j’ordonne que ta main
Détrempe d’une eau douce et presse ce terrain :
Ces eaux, pour s’échapper se frayant une route,
Coulent le long des joncs, et tombent goutte à goutte :
Alors fais-en l’essai ; ton palais révolté
Connaît ce sol ingrat à leur triste âcreté.
Un sol maigre est celui qui, prompt à se dissoudre,
Sitôt qu’on l’a touché, tombe réduit en poudre.
Un terrain gras, semblable à la gomme des bois,
S’amollit dans tes mains et s’attache à tes doigts.