Page:Virgile - Georgiques Delille 1819.djvu/149

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Comment roulent les cieux, et quel puissant génie
Des sphères dans leur cours entretient l’harmonie.
Mais si mon sang trop froid m’interdit ces travaux,
Eh bien ! Vertes forêts, prés fleuris, clairs ruisseaux,
J’irai, je goûterai votre douceur secrète :
Adieu, gloire, projets. ô coteaux du Taygète,
Par les vierges de Sparte en cadence foulés,
Oh ! Qui me portera dans vos bois reculés ?
Où sont, ô Sperchius, tes fortunés rivages ?
Laissez-moi de Tempé parcourir les bocages ;
Et vous, vallons d’Hémus, vallons sombres et frais,
Couvrez-moi tout entier de vos rameaux épais.
Heureux le sage, instruit des lois de la nature,
Qui du vaste univers embrasse la structure,
Qui dompte et foule aux pieds d’importunes erreurs,
Le sort inexorable et les fausses terreurs ;
Qui regarde en pitié les fables du Ténare,
Et s’endort au vain bruit de l’Achéron avare !
Mais trop heureux aussi qui suit les douces lois
Et du dieu des troupeaux et des nymphes des bois !
La pompe des faisceaux, l’orgueil du diadème,
L’intérêt, dont la voix fait taire le sang même,
De l’Ister conjuré les bataillons épais,
Rome, les rois vaincus, ne troublent point sa paix :
Auprès de ses égaux passant sa douce vie,
Son cœur n’est attristé de pitié ni d’envie :
Jamais aux tribunaux, disputant de vains droits,
La chicane pour lui ne fit mugir sa voix :
Sa richesse, c’est l’or des moissons qu’il fait naître ;
Et l’arbre qu’il planta chauffe et nourrit son maître.
D’autres, la rame en main, tourmenteront la mer,
Ramperont dans les cours, aiguiseront le fer :
L’avide conquérant, la terreur des familles,
Egorge les vieillards, les mères et les filles,
Pour dormir sur la pourpre et pour boire dans l’or ;
L’avare ensevelit et couve son trésor ;
L’orateur au barreau, le poète au théâtre,