Page:Virgile - Georgiques Delille 1819.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Tel le fougueux époux de la jeune Orythie
Vole et disperse au loin les frimas de Scythie,
Fait frémir mollement les vagues des moissons,
Balance les forêts sur la cime des monts,
Chasse et poursuit les flots de l’océan qui gronde,
Et balaie, en fuyant, les airs, la terre et l’onde.
Un jour tu le verras, ce coursier généreux,
Ensanglanter son mors et vaincre dans nos jeux ;
Ou, plus utile encor, dans les champs de la guerre,
Sous de rapides chars faire gémir la terre.
Ne l’engraisse surtout qu’après l’avoir dompté ;
Autrement son orgueil jamais n’est surmonté :
Il se dresse en fureur sous le fouet qui le touche,
Et s’indigne du frein qui gourmande sa bouche.
Crains aussi, crains l’amour, dont la douce langueur
Des troupeaux, quels qu’ils soient, énerve la vigueur :
Que des fleuves profonds, qu’une haute montagne
Sépare le taureau de sa belle compagne ;
Ou que, loin de ses yeux, dans l’étable caché,
Près d’une ample pâture il demeure attaché.
Près d’elle il fond d’amour, il erre triste et sombre,
Et néglige les eaux et la verdure et l’ombre.
Souvent même, troublant l’empire des troupeaux,
Une Hélène au combat entraîne deux rivaux :
Tranquille, elle s’égare en un gras pâturage ;
Ses superbes amants s’élancent pleins de rage ;
Tous deux, les yeux baissés et les regards brûlants,
Entrechoquent leurs fronts, se déchirent les flancs ;
De leur sang qui jaillit, les ruisseaux les inondent ;
À leurs mugissements les vastes cieux répondent.
Entre eux point de traité : dans de lointains déserts
Le vaincu désolé va cacher ses revers,
Va pleurer d’un rival la victoire insolente,