Page:Virgile - Georgiques Delille 1819.djvu/215

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Vois-tu quelque brebis chercher souvent l’ombrage,
Effleurer à regret la pointe de l’herbage,
Sur le tendre gazon tomber languissamment,
La nuit seule au bercail revenir lentement ?
Qu’elle meure aussitôt ; le mal, prompt à s’étendre,
Deviendrait sans remède à force d’en attendre.
Autant qu’on voit de flots se briser sur les mers,
Autant dans un bercail règnent de maux divers :
Encor s’ils s’arrêtaient dans leur funeste course !
Pères, mères, enfants, tout périt sans ressource.
Timave, Noricie, ô lieux jadis si beaux,
Empire des bergers, délices des troupeaux,
C’est vous que j’en atteste : hélas ! Depuis vos pertes,
Vous n’offrez plus au loin que des plaines désertes.
Là, l’automne exhalant tous les feux de l’été,
De l’air qu’on respirait souilla la pureté,
Empoisonna les lacs, infecta les herbages,
Fit mourir les troupeaux et les monstres sauvages.
Mais quelle affreuse mort ! D’abord des feux brûlants
Couraient de veine en veine, et desséchaient leurs flancs.
Tout à coup aux accès de cette fièvre ardente
Se joignait le poison d’une liqueur mordante,
Qui, dans leur sein livide épanchée à grands flots,
Calcinait lentement et dévorait leurs os.
Quelquefois aux autels la victime tremblante
Des prêtres en tombant prévient la main trop lente ;
Ou, si d’un coup plus prompt le ministre l’atteint,
D’un sang noir et brûlé le fer à peine est teint :
On n’ose interroger ses fibres corrompues,
Et les fêtes des dieux restent interrompues.
Tout meurt dans le bercail ; dans les champs tout périt ;
L’agneau tombe en suçant le lait qui le nourrit ;
La génisse languit dans un vert pâturage :