Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 1.djvu/111

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Déjà leurs nefs, perdant l’aspect de la Sicile,
Voguaient à pleine voile, et de l’onde docile
Fendaient d’un cours heureux les bouillons écumants,
Quand la fière Junon, de ses ressentiments
Nourrissant dans son cœur la blessure immortelle,
« Quoi ! sur moi les Troyens l’emporteraient ! dit-elle,
Et de ces fugitifs le misérable roi
Pourrait dans l’Italie aborder malgré moi !
Le destin, me dit-on, s’oppose à ma demande :
Junon doit obéir

quand le destin commande.
Pergame impunément a donc pu m’outrager ?
Seule entre tous les dieux je ne puis me venger ?
O fureur ! Quoi ! Pallas, une simple déesse,
A bien pu foudroyer les vaisseaux de la Grèce ;
Soldats, chefs, matelots, tout périt sous ses yeux :
Pourquoi ? pour quelques torts d’un jeune furieux.
Elle-même, tonnant du milieu des nuages,
Bouleversa les mers, déchaîna les orages,
Dans un noir tourbillon saisit l’infortuné
Qui vomissait des feux de son flanc sillonné,
Et de son corps, lancé sur des roches perçantes,
Attacha les lambeaux à leurs pointes sanglantes !