Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 1.djvu/131

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Compagnons, leur dit-il, relevez vos courages :
L’âme se fortifie au milieu des orages.
Ce n’est pas d’aujourd’hui que commencent nos maux.
Vous avez éprouvé de plus rudes assauts ;
Ceux-ci, n’en doutez point, s’apaiseront de même.
N’avez-vous pas bravé l’autre de Polyphème ?
N’avez-vous pas naguère entendu sans terreur
Des rochers de Scylla la bruyante fureur ?
Mes amis, bannissons d’inutiles alarmes ;
Un jour ces souvenirs auront pour nous des charmes.
A travers les écueils, le courroux de la mer,
Nous cherchons les beaux lieux promis par Jupiter.
Là nous attend la paix ; là vos yeux, avec joie,
Verront se relever les murailles de Troie.
Vivez, conservez-vous pour les jours de bonheur.
  Il dit, et dans son sein renfermant sa douleur,
La gaîté sur le front, la tristesse dans l’âme,
D’un espoir qu’il n’a pas le héros les enflamme.
Mais la faim presse : alors leur diligente main
Dépouille avec ardeur leur sauvage butin,
Divise par le fer la proie encor vivante,
Enfonce un bois aigu dans la chair palpitante ;