Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 1.djvu/135

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Toi qui, régnant dans l’air, sur la terre et sur l’onde,
Tiens en main et la foudre et les rênes du monde,
Qu’a donc fait mon Enée, et qu’ont fait les Troyens ?
Sauvés par mes secours du fer des Argiens,
Faut-il, pour leur fermer les chemins d’Ausonie,
Que de tout l’univers leur race soit bannie ?
Un jour, du grand Teucer rejetons glorieux,
Les Romains, disiez-vous, régneraient en tous lieux ;
Un jour leur race illustre, en conquérants féconde,
Gouvernerait la terre, assujettirait l’onde.
Vous me l’aviez promis : qui vous a fait changer ?
Hélas ! par cet espoir j’aimais à me venger ;
A nos malheurs passés j’opposais cette joie,
Et Rome adoucissait les désastres de Troie :
Chaque jour cependant reproduit nos malheurs.
Grand roi ! quand mettrez-vous un terme à nos douleurs ?
Anténor, de la Grèce affrontant la furie,
A bien pu pénétrer dans les mers d’Illyrie,
A bien osé franchir ce Timave fameux
Dont l’onde impétueuse, en torrents écumeux,
Par sept bouches sortant et tombant des montagnes,
Court, d’une mer bruyante, inonder les campagnes.