Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 1.djvu/189

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Lui porte ces présents, et, pour son cher Enée,
Embrase tous ses sens d’une ardeur effrénée.
Pour son fils malheureux pleine d’un tendre effroi,
Cette ville suspecte, et ce peuple sans foi,
Junon surtout, Junon, qu’un fier courroux dévore,
Tout l’alarme, et la nuit sa crainte veille encore.
Adressant donc sa voix à l’aîné des Amours :
« O toi, l’honneur, l’appui, le charme de mes jours,
Enfant, vainqueur des dieux, souverain de la terre,
De qui la flèche insulte aux flèches du tonnerre,
Tu vois ton frère aîné assailli de revers,
Victime de Junon, et le jouet des mers ;
Tu le vois, et pour lui partageant ma tendresse,
Cent fois j’ai vu ton cœur ressentir ma tristesse.
Un accueil séducteur le retient chez Didon,
Et je crains un asile accordé par Junon.
Sa haine vigilante et sa fureur active
Dans de pareils moments ne sera point oisive.
Pour ton frère, ô mon fils ! j’implore ton appui ;
Va, cours trouver Didon, et l’enflamme pour lui.
Qu’il l’aime, et qu’en dépit d’une fière déesse,
Leurs transports amoureux secondent ma tendresse !