Mais, si de nos malheurs vous exigez l’histoire,
S’il faut en rappeler l’affligeante mémoire,
Quoiqu’au seul souvenir de ces scènes d’horreur
Mon cœur épouvanté recule de terreur,
J’obéis. Rebutés par dix ans de batailles,
Las de languir sans fruit au pied de nos murailles,
Las de voir par le sort leurs assauts repoussés,
Les Grecs, courbant des ais avec art enchâssés,
D’un cheval monstrueux en forment l’édifice :
Pallas leur inspira ce fatal artifice.
C’est un vœu, disaient-ils, pour un retour heureux :
On le croit. Cependant en ses flancs ténébreux
Ils cachent des guerriers, et de ses antres sombres
Une élite intrépide ose habiter les ombres.
Une île, Ténédos, est son antique nom,
S’élève au sein des mers, à l’aspect d’Ilion.
Avant nos longs malheurs qui sont tombés sur elle,
Son port fut florissant ; mais sa rade infidèle
N’offre plus qu’un abri peu propice au nocher.
Là sur des bords déserts les Grecs vont se cacher,
Nous les croyons partis ; sur les liquides plaines
Nous croyons que le vent les remporte à Mycènes.
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