Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 1.djvu/313

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Lève le fer mortel, l’enfonce, et de son flanc
Arrache avec la vie un vain reste de sang.
Ainsi finit Priam, ainsi la destinée
Marqua par cent malheurs sa mort infortunée.
Il périt en voyant de ses derniers regards
Brûler son Ilion et crouler ses remparts.
Et ce grand potentat, dont les mains souveraines
De tant de nations avaient tenu les rênes,
Que l’Asie à genoux entourait autrefois
De l’amour des sujets et du respect des rois,
De lui-même aujourd’hui reste méconnaissable,
Hélas ! et dans la foule étendu sur le sable,
N’est plus dans cet amas des lambeaux d’Ilion,
Qu’un cadavre sans tombe, et qu’un débris sans nom.
  Alors, je l’avouerai, dans mon âme tremblante,
Pour la première fois je sentis l’épouvante.
Ce monarque, au milieu de ses fils moissonnés,
Terminant sous le fer ses jours infortunés,
D’un père, comme lui déjà glacé par l’âge,
Tout à coup réveilla l’attendrissante image ;
De mon épouse en pleurs, de mon malheureux fils,
Mon amour consterné croit entendre les cris,
Je cherche autour de moi si quelque ami me reste :
Tous ont péri... Poussés d’un désespoir funeste,
Tous de nos toits brûlants se sont précipités.
Je restais seul... Des feux les lugubres clartés