Vous tous, qui conservez l’ardeur du premier âge,
Dont le sang, jeune encore, enflamme le courage,
Mes chers enfants, fuyez : pour moi, si le destin
De ma vie à ce jour n’eût pas marqué la fin,
Il eût de mes aïeux conservé la demeure :
La perte d’Ilion ordonne que je meure ;
C’est assez d’avoir pu lui survivre une fois.
Vous à qui votre sort impose d’autres lois,
Mes enfants, saluez ces misérables restes.
Je saurai de ma main trancher ces jours funestes ;
Ou l’ennemi lui-même, une fois plus humain,
Daignera par pitié terminer mon destin.
Qu’importe, après ma mort, où l’on jette ma cendre ?
Aux enfers dès longtemps mon ombre dut descendre ;
Depuis longtemps je meurs, et mes jours odieux
Sont à charge à la terre, et maudits par les dieux,
Depuis que Jupiter, qui dut me mettre en poudre,
M’a flétri de ses feux, et frappé de sa foudre ».
Ainsi dans son refus il demeure obstiné ;
Vainement de nos pleurs il est environné ;
Vainement mon épouse, et mon fils, et moi-même,
Le conjurons, pour lui, pour ses enfants qu’il aime,
Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 1.djvu/323
Apparence
Cette page n’a pas encore été corrigée