Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 1.djvu/327

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Eh bien, dédaignez donc mes prières, mes larmes ;
Je pars : la mort pour moi n’eut jamais tant de charmes !
Rendez-moi l’ennemi, rendez-moi les combats :
Tous les Grecs aujourd’hui ne nous survivront pas ».
A ces mots je saisis sans espoir de défense,
D’un bras mon bouclier et de l’autre ma lance.
Je sortais en fureur de ce séjour de deuil,
Quand mon épouse en pleurs m’arrête sur le seuil,
Embrasse mes genoux, éperdue et tremblante,
Me présente mon fils, et d’une voix touchante :
« Cher et cruel époux ! si tu cours aux trépas,
Me dit-elle, à la mort traîne-nous sur tes pas,
Si ton dernier effort peut encore être utile,
Ah ! commence du moins par sauver cet asile.
Que deviendront un père, un enfant précieux,
Et ton épouse, hélas ! jadis chère à tes yeux ? »
Ainsi Créuse en pleurs, exhalant ses alarmes,
Remplit l’air de ses cris, me baigne de ses larmes,
Lorsqu’un soudain prodige épouvante nos cœurs :
Aux yeux et dans les bras de ses parents en pleurs,
Sur la tête d’Ascagne une flamme rayonne,
S’abaisse sur son front en brillante couronne