Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 1.djvu/333

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A ces mots, d’un lion j’étends sur moi la peau,
Je me courbe, et reçois mon précieux fardeau ;
Mon fils saisit ma main, et précédant sa mère,
Suit à pas inégaux la marche de son père.
Des lieux les plus obscurs nous traversons l’horreur ;
Et moi, qui tant de fois avais vu sans terreur
Et les bataillons grecs, et le glaive homicide,
Une ombre m’épouvante, un souffle m’intimide ;
Je n’ose respirer, je tremble au moindre bruit,
Et pour ce que je porte, et pour ce qui me suit.
Enfin nous échappons de cette ville en cendre.
Nous nous croyions sauvés, lorsque je crois entendre
D’un bataillon nombreux les pas précipités ;
Et dans l’ombre jetant ses yeux épouvantés :
« Fuis, cours, fuis ! je les vois, je vois briller leurs armes !
Dit mon père. A ces mots, qui doublent mes alarmes,
Je ne sais quel délire égara mes esprits ;
Mais tandis qu’éperdu, tremblant d’être surpris,
Aux lieux les moins frayés je confiais ma fuite,
Ma chère épouse, hélas ! que je crois à ma suite...
Sort cruel ! est-ce toi qui nous en séparas ?
Le chemin, trop pénible, arrêta-t-il ses pas ?