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Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 1.djvu/59

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Déjà d’Ilionée et du vaillant Abas
L’eau brise le tillac, le vent courbe les mâts ;
Déjà du vieil Alèthe et du fidèle Achate
Le vaisseau fatigué s’ouvre, se brise, éclate,
Et les torrents vainqueurs entrent de tous côtés.
Cependant de ses flots, sans son ordre agités,
Neptune entend le bruit ; il entend la tempête
Mugir autour d’Enée et gronder sur sa tête ;
Il voit flotter épars les débris d’Ilion,
En devine la cause, et reconnaît Junon.
Aussitôt, appelant Eurus et le Zéphire,
« Eh quoi ! sans mon aveu, quoi ! dans mon propre empire,
D’une race rebelle enfants audacieux,
Vents, vous osez troubler et la terre et les cieux !
Je devrais… mais des flots il faut calmer la rage ;
Un autre châtiment suivrait un autre outrage.
Fuyez, et courez dire à votre souverain
Que le sort n’a pas mis le trident en sa main,
Que moi seul en ces lieux tiens le sceptre des ondes.
Son empire est au fond de vos roches profondes :
Qu’il y tienne sa cour, et, roi de vos cachots,
Que votre Eole apprenne à respecter mes flots ».
Il dit : et d’un seul mot il calme les orages,
Ramène le soleil, dissipe les nuages.
Les Tritons, à sa voix, s’efforcent d’arracher
Les vaisseaux suspendus aux pointes du rocher ;
Et lui-même, étendant son sceptre secourable,
Les soulève, leur ouvre un chemin dans le sable,
Calme les airs, sur l’onde établit le repos,
Et de son char léger rase, en volant, les flots.

[…]