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Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 1.djvu/63

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[…]
Du fond de leurs vaisseaux ils tirent le froment,
A demi corrompu par l’humide élément.
De Cérès aussitôt le trésor se déploie ;
Le feu sèche leurs grains, et la pierre les broie :
Le banquet se prépare ; on partage aux vaisseaux
Ces aliments sauvés de la fureur des eaux.
Le héros, cependant, d’un roc gagne la cime,
Et de la mer au loin interroge l’abîme ;
Il cherche les vaisseaux ou leurs débris épars :
Rien ne paraît. Soudain s’offrent à ses regards
Trois cerfs au front superbe, errants dans la campagne ;
Un jeune et long troupeau de loin les accompagne.
Il s’arrête à leur vue, il saisit à l’instant
Et son arc et ses traits, qui sifflent en partant.
Leurs chefs, qu’enorgueillit une ramure altière,
Déjà percés de traits, roulent sur la poussière ;
Puis il poursuit la troupe à travers la forêt :
Sa main lance à chacun l’inévitable trait,
Et ne les quitte pas, dans leur retraite sombre,
Qu’au nombre des vaisseaux il n’égale leur nombre.
Puis il retourne au port, partage son butin.
Pour animer la joie, il ajoute au festin
Un doux nectar mûri par un soleil fertile,
Qu’au départ leur donna le bon roi de Sicile.
Déjà leurs maux cédaient à la douce liqueur ;
Il y joint ce discours, plus puissant sur leur cœur :
« Compagnons, leur dit-il, relevez vos courages :
L’âme se fortifie au milieu des orages.
Ce n’est pas d’aujourd’hui que commencent nos maux.
Vous avez éprouvé de plus rudes assauts ;
Ceux-ci, n’en doutez point, s’apaiseront de même.
N’avez-vous pas bravé l’autre de Polyphème ?
N’avez-vous pas naguère entendu sans terreur
Des rochers de Scylla la bruyante fureur ?