Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 2.djvu/139

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Lui seul, apprivoisant ma farouche pudeur,
M’a fait ressouvenir de ma première ardeur.
Du feu dont je brûlais je reconnais la trace ;
Mais, des dieux qui du crime épouvantent l’audace,
Que le foudre vengeur sur moi tombe en éclats ;
Que la terre à l’instant s’entr’ouvre sous mes pas ;
Que l’enfer m’engloutisse en ses royaumes sombres,
Ces royaumes affreux, pâle séjour des ombres,
Si jamais, ô pudeur ! je viole ta loi.
Celui qui le premier recul jadis ma foi,
Dans la tombe emporta le seul bien que j’adore ;
Dans la tombe avec lui mon cœur habite encore ».
Elle dit : et les pleurs ont inondé ses yeux.
« O vous, que j’aime plus que la clarté des cieux !
Voulez-vous, dit sa sœur, toujours triste et sauvage,
Vous imposer l’ennui d’un éternel veuvage ;
Et, près d’un vain tombeau consumant vos beaux jours,
Fuir le doux nom de mère, et languir sans amours.
Hôtes inanimés de la nuit éternelle,
Les morts s’informent-ils si vous êtes fidèle ?
Que mille adorateurs dans Sidon autrefois
Aient brigué vainement l’honneur de votre choix ;