Page:Virgile L’Énéide Traduction de Jacques Delille - Tome 2.djvu/175

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Pour disposer son âme à ce grand sacrifice,
Il épiera le temps, le lieu le plus propice ».
Il dit : et, s’empressant d’obéir à sa voix,
Les Troyens enchantés exécutent ses lois.
Mais la reine.... (Ah ! qui peut tromper l’œil d’une amante ?)
Même avant le danger elle est déjà tremblante.
Par des pressentiments ou des avis secrets
La reine la première a su tous ces apprêts.
Déjà la Renommée, indiscrète déesse,
A de ce bruit fatal consterné sa tendresse.
Soudain un noir courroux allume ses regards ;
Furieuse, égarée, et les cheveux épars,
Elle vole, pareille à la jeune Bacchante
Qui, dans l’ombre des nuits échevelée, errante,
Ivre du dieu puissant qui maîtrise son cœur,
Par de saints hurlements exhale sa fureur.
Enfin, dans ses transports, elle rencontre Enée,
Et livre ainsi passage à sa rage effrénée :
« Perfide ! as-tu bien cru pouvoir tromper mes yeux ?
As-tu cru me cacher ton départ odieux ?
Quoi ! notre amour ! la foi que tu m’avais donnée !
Quoi ! la triste Didon, à mourir condamnée !
Rien ne